LASSAGNE Alexandre

Fertilité mâle et femelle chez le champignon pathogène modèle Pyricularia oryzae : Bases biologiques et génétiques - 23/03/2023 - Pôle : ITEM - Équipe : BLAST

Le système de reproduction d'un organisme a un impact sur l'émergence et l'évolution de nouveaux génotypes. La compréhension du mode de reproduction chez les organismes pathogènes aide donc à comprendre leur histoire de vie. Les mécanismes biologiques, et les gènes sous-jacents, impliqués dans la reproduction sexuée chez les Ascomycètes sont relativement bien décrits chez plusieurs organismes modèles tels que Neurospora crassa ou Podospora anserina. Cependant, chez Pyricularia oryzae, le champignon pathogène responsable de la pyriculariose du riz, la biologie et les déterminants génétiques de la reproduction sexuée restent peu documentés. Bien que la reproduction sexuée n’ait jamais été observée directement au champ, elle a déjà été réalisée au laboratoire. En effet, le croisement de souches fertiles conduit à la  formation de périthèces, organes contenant les produits de la méiose. Par ailleurs, une lignée phylogénétique montre des traces d’événements de recombinaison tandis que les trois autres lignées ont une structure clonale. Certaines populations de P. oryzae semblent donc avoir perdu la capacité à se reproduire de manière sexuée in natura. Pour comprendre cette évolution, nous avons contribué à caractériser, les traits de fertilité mâle et femelle chez ce champignon phytopathogène d’intérêt agronomique majeur.

Tout d’abord, nous avons cherché à identifier les cellules ayant le rôle de gamètes mâles. La littérature suggérait que les microconidies sont les éléments fécondant mâle chez P. oryzae, sans toutefois le démontrer. C’est cette hypothèse que nous avons testée. Nous avons mis au point un protocole permettant la production et l’observation des microconidies. Puis nous avons quantifié la production de microconidies pour plusieurs souches. Enfin, par le biais de la fertilisation de mycélium femelle, nous avons démontré pour la première fois que les microconidies sont les  gamètes mâles de P. oryzae. La caractérisation de la production de spermaties nous a permis de réaliser un phénotypage quantitatif précis de la fertilité mâle dans une population naturelle de 71 souches de P. oryzae appartenant à la lignée pathogène du riz et recombinante. Nous avons tiré profit de ce phénotypage pour rechercher les bases génétiques de la fertilité mâle par une approche de génomique d’association (GWAS). Trois régions génomiques ont ainsi été mises en évidence. Parmi ces trois régions, une région d’une largeur de 65,05 kb,  présentait des gènes  candidats sérieux connus pour leur implication dans des mécanismes important pour la reproduction sexuée chez d’autres espèces. Nous avons en particulier identifié un gène contenant un domaine JmJ qui pourrait potentiellement être impliqué dans la régulation transcriptionnelle. Enfin, nous nous sommes intéressés à la fertilité femelle, et plus particulièrement aux gènes impliqués dans la formation des périthèces. Pour cela, nous avons d’une part tiré profit de croisements produits au cours d’une précédente thèse, impliquant des souches femelle-fertiles et des mutants femelle-stériles, dont les descendants avaient été phénotypés pour la fertilité femelle. Nous avons utilisé ce matériel pour réaliser une analyse de « Bulk Segregant ».

En parallèle, nous avons développé et utilisé une méthode de quantification des périthèces par analyse d’image pour phénotyper la fertilité femelle, et appliqué une approche de GWAS, comme précédemment. L’utilisation de ces méthodes complémentaires nous a permis de mettre en évidence plusieurs régions génomiques significativement associées à la fertilité femelle : 1 région constituée d’un gène identifié par GWAS, 4 régions majeures par BSA. Dans ces régions, nous avons observé des gènes déjà décrits pour leur implication dans la production de périthèces chez d’autres espèces, mais également des gènes possédant des fonctions potentiellement liées à la reproduction sexuée (métabolisme secondaire, remaniement des parois, cascades de signalisation, contrôle de la méiose...).